L’église de Saint-Cirq-Bel-Arbre

Les documents les plus anciens qui attestent l’existence d’une église à Saint-Cirq datent du XIV^e siècle pendant la guerre de cent ans (1337–1453). Les archives du Chanoine Albe, à l’origine du livre de l’abbé Clary, nous révèlent les noms de plusieurs recteurs de cette époque : Étienne Lacoste entre 1342 et 1347, Pierre Viortz de 1349 à 1354 auquel succéda Bernard Cosnac puis Gérard Pouderoux. Nous ne possédons aucun document sur l’église qu’ils desservaient mais Ludovic de Valon (1856-1943), ancien président de la Société des Études du Lot, a écrit qu’elle avait la forme d’une croix latine. Ce qui parait évident est qu’elle pouvait être défendue assez facilement avec sans doute déjà une tour clocher puisque les archives municipales de Gourdon conservent le souvenir d’un épisode local de la guerre pendant lequel vingt-cinq hommes qui s’y étaient réfugiés résistèrent victorieusement à un parti anglais et furent félicités par les édiles ; plus tard cependant leurs successeurs envoyèrent une escouade pour démanteler l’édifice (« derocar la gleia ») car elle donnait refuge à des assaillants potentiels. Ces deux épisodes ne sont malheureusement pas datés mais sont sans doute postérieurs à l’an 1369 qui marque le début réel des hostilités dans la région. Ils nous permettent de penser qu’à la fin de la guerre l’église était en ruines et le village sans doute dévasté, peut-être dépeuplé à l’instar de la région comme nous l’indiquent les ouvrages consacrés à cette période. L’édifice sera reconstruit moins de cent ans plus tard, en 1528, selon l’abbé Clary qui nous indique qu’Antoine de Caumont était recteur, Raymond Vales lui succéda l’année suivante : ce sont eux qui ont assisté à l’édification du bâtiment actuel. Les voûtes intérieures, les niches campanaires et le portail correspondent bien à cette époque. Il est impossible d’affirmer que la vieille église en ruines était au même emplacement et que ses soubassements ont été utilisés, bien que cela soit pourtant vraisemblable.

En mai 1846 le clocher, qui a plus de trois cents ans, « menace de s’effondrer » ; le devis des réparations s’élève à six cents francs ; la Fabrique, qui gère l’église, est autorisée par le Conseil Municipal auquel se sont joints les propriétaires les plus imposés de la paroisse, à « s’imposer extraordinairement de cette somme ». Une aide exceptionnelle de l’État est aussi demandée, elle ne semble pas avoir été accordée. En 1852 les travaux durent toujours sans doute en raison de difficultés rencontrées dans leur réalisation ; pour diminuer les nouveaux frais, le Conseil Municipal décide de créer une régie communale pour gérer les transports des matériaux : ils seront dorénavant effectués par les habitants de Saint-Cirq au cours de leurs journées de prestations (trois journées de travail dues chaque année à la commune pour des travaux d’intérêt général, l’entretien des chemins en particulier). En 1853 le devis qui s’élève maintenant à neuf cent quarante francs est contesté par le Conseil Municipal qui demande un rabais ; il décide en outre qu’il n’y aura pas de nouvelle imposition en raison « des sacrifices déjà consentis » et demande un secours exceptionnel à l’état impérial pour combler la différence. Cette demande a été vraisemblablement acceptée mais nous ne possédons pas de document pour l’affirmer ; le dossier de l’église disparaît des préoccupations municipales et le clocher est même crépi en 1860 pour un budget de 280 francs. La découverte tardive de documents ultérieurs permet d’apporter un éclairage nouveau sur ces travaux de réfection : en 1861, le Conseil autorise la Fabrique à accepter le testament de l’abbé Jean Baptiste Souques. Celui-ci, desservant de l’église, est mort prématurément en mai 1847, à l’âge de 45 ans, après avoir testé en faveur de la Fabrique qui hérite, quatorze ans après, d’une somme de huit cents francs. En novembre 1846 lorsque le conseil municipal a autorisé le début des travaux et l’emprunt, le curé Souques était toujours en vie. Sa décision testamentaire sans doute déjà prise offrait des garanties financières suffisantes pour leur exécution mais les fonds n’ont pas été libérés en temps utile, ils ont vraisemblablement contribué sous le second empire à l’achat de la petite cloche et du mobilier intérieur moderne de l’église dont le grand autel de marbre.

Ref : Abbé Clary, Dictionnaire des paroisses du Diocèse de Cahors (opus cit). Jean Digeon, Saint-Cirq-Souillaguet, Éditions de la Bouriane, Gourdon, 1999. Jean Lartigaut et col, Histoire du Quercy, Privat, 1999. Archives Départementales du Lot EDT 258-E1. Archives municipales de Saint-Cirq-Souillaguet.

Le culte de Saint Cirq, reconnu à la fois par l’église catholique et l’église orthodoxe, est à l’origine de la dédicace de nombreuses églises de la région où beaucoup de villages portent son toponyme notamment dans le Lot, en Dordogne et dans le Tarn ou alors une forme dérivée comme Saint Cirgues ou Saint Cirice retrouvé dans le Tarn et Garonne. L’orthographe la plus répandue, surtout plus au nord, demeure cependant Saint Cyr. Il s’agit d’un saint oriental, mort enfant, dont le nom est dérivé du grec Kurios (seigneur) devenu en latin Ciricus. Il est mort en 304 dans la ville de Tarse, province de Cilicie au sud de l’actuelle Turquie. Immédiatement considéré comme un martyr de la foi chrétienne en Asie mineure, il fut l’objet d’une grande vénération et ses reliques furent rapportées en France dès la fin du IV^e siècle par Amatre, évêque d’Auxerre au retour d’un voyage à Jérusalem. Son culte ne fut toutefois pas reconnu par Rome lors du concile tenu sous le pape Damase (366–384) et ne se développa que secondairement à partir du VII^e siècle, sous Pépin le Bref notamment, et surtout au X^e siècle après la publication du livre « Miracles de Saint Cyr et Sainte Julitte » écrit par un chanoine de la Cathédrale de Nevers. Toujours conservées en Bourgogne dans l’église de Volnay, les reliques du saint ont été volées en 2001 par des voleurs qu’intéressait sans doute le reliquaire qui les abritait, mais d’autres existent dans l’église de Saint-Cyr-sur-Mer dans le Var. La mort tragique de l’enfant Cirq est un épisode historique avéré qui précède de peu celui de sa mère Juliette (ou Julitte). Ils ont été victimes des persécutions ordonnées par l’empereur Dioclétien à l’encontre des chrétiens. L’enfant passe pour être le plus jeune martyr de la chrétienté après les Saint Innocents. Certains récits le font mourir alors qu’il était encore au sein de sa mère et d’autres, enfant en bas âge ; c’est cette dernière version qu’a adopté l’artiste qui a peint le tableau du maître autel de l’église de notre village. Au cours de son procès, sa mère ayant refusé d’abjurer sa foi, il se précipita vers le magistrat en criant « moi aussi je suis chrétien » ; celui-ci tenta vainement de l’amadouer puis, fou de rage, le saisit et le précipita contre un mur où sa tête se fracassa. Sa mère aurait ensuite été écorchée vive, ébouillantée puis décapitée avant de rejoindre son fils dans l’éternité. Descendante des anciens rois d’Icône (Konia en Turquie), elle appartenait à une riche famille. Rapidement veuve après son mariage, elle dut fuir les persécutions en raison de sa religion et se réfugia à Tarse où elle tenta vainement de retrouver ses biens ; c’est à cette occasion que, reconnue, elle fut mise en accusation.

La fête de Saint Cirq et Sainte Juliette est le 16 juin dans l’église romaine, le 15 juillet, jour anniversaire de leur mort, dans l’église orthodoxe. Saint Cirq est invoqué pour la guérison des enfants malades, il est le saint patron des vignerons de Volnay et des scieurs de long (peut-être en raison de la proximité phonétique de Cyr avec scie selon la même logique qui voulait que Saint Clair fût invoqué pour les troubles de la vue).

Ref : Histoire des Saints et de la sainteté chrétienne, sous la direction d’André Mandouze, Le livre de Paris/Hachette 1987. Histoire générale du Christianisme, sous la direction de Jean Robert Armogathe, PUF, 2010. Sur Internet, le site Wikipédia bien sûr, mais celui de Saint-Cyr-sur-Mer contient une notice historique sur Sainte Juliette et celui du diocèse de l’Yonne est intéressant et complet (yonne.catholique.fr). La relation traditionnelle de la mort de l’enfant et de sa mère se retrouve par ailleurs sur tous les sites en relation avec Saint Cirq et surtout Saint Cyr.

Il existe deux cloches dans la tour clocher de l’église de Saint-Cirq et la plus grosse est indubitablement la plus ancienne ; elle date d’avant la révolution. Elle possède un bandeau en lettres gothiques d’une lecture difficile car en mauvais état de conservation avec aussi des lettres de fonderie qui paraissent parfois inversées. Elle n’a pas fait l’objet d’une étude approfondie. Son diamètre est d’environ quatre-vingt centimètres pour un poids estimé à trois cents kg. Elle provient de l’église du Vigan et a été installée en 1791 à la suite d’un échange conclu avec la municipalité de cette localité pour des raisons inconnues qui sont peut-être en rapport avec la décision de l’Assemblée Constituante du 11 juin 1790 qui visait à réduire le nombre de cloches dans les églises des villages afin d’alimenter les fonderies de canons et de monnaie. Cet échange, nous apprend l’administration révolutionnaire, a été fait à la demande des élus de « Saint Cirq de Bel Arbre » dans une pétition « tendant à faire l’échange d’une de leurs cloches avec une du ci-devant Chapitre du Vigan » ce qui sous-entend que l’église de Saint-Cirq en possédait déjà plusieurs à l’époque. Le directoire du département a autorisé l’échange sous condition : « au cas que la cloche qu’ils délivreront ne soit pas du même poids, de parfaire le surplus en métal ou en cuivre neuf ». Le document est signé entre autres par Danglars qui sera élu évêque constitutionnel de Cahors. Nous n’avons pas d’autre renseignement sur la cloche échangée : il s’agit peut-être de l’ancienne « grande cloche » qui avait été baptisée et installée en 1715 et dont nous conservons le souvenir grâce à son baptême par le curé Ladevie, inscrit sur le registre paroissial :

« Le vingt-deuxième janvier 1715 a été faite la bénédiction de la grande cloche de Saint Cirq sous le nom de Saint Barthélemy par moy soussigné ayant la permission de faire la cérémonie de Monseigneur Rozieres vicaire général, de laquelle avons fait parrain Monseigneur François de Saint Alvère baron du Vigan, sénéchal et gouverneur du pays de Quercy, faisant pour lui Messire Christophe Thière bourgeois du Vigan et marraine Demoiselle Margueritte de Boytier épouse de Messire Belly aussi bourgeois du Vigan ; ont été présents Maitre Jean Cambres prêtre vicaire du dit Vigan et François Fondaumier clerc tonsuré et prébendier du susdit Vigan soussignés avec moy »

On notera que François de Lostanges de Saint Alvère, seigneur du Viganet, sénéchal depuis 1706, choisi sans doute à titre honorifique, ne s’est pas déplacé pour la cérémonie. Il a été remplacé par Christophe Thière très présent dans la contrée à cette époque qui semble représenter d’après d’autres documents ses intérêts. La marraine, Madame Marguerite Belly du Vigan, est peut-être apparentée à Anne de Belly coseigneur de Saint-Cirq en 1727 d’après l’abbé Clary (mais les notes du chanoine Albe d’où provient ce renseignement ne nous en disent pas plus).

La seconde cloche de l’église est plus petite que la précédente, elle pèse 168 kg pour un diamètre de soixante centimètres. Elle a été fondue en 1856 et le nom de son fondeur n’est pas indiqué. Elle a donc été installée après les grands travaux décidés sur le clocher en 1847. Les documents locaux sont muets à son sujet.

Ref : Archives municipales de Saint-Cirq-Souillaguet (dossier Églises). Archives Départementales du Lot : EDT 258 E1 (p 52/119), 4 E 382 (p 16/287), L 367 (3^e feuillet n° 8). Dictionnaire des Paroisses du Diocèse de Cahors, Abbé Clary, Tardy Quercy, 1986.